dimanche 4 décembre 2016

un cadeau

Lune, XVème siècle

« Sur la Voie du Tambour, l'image qui lui apparaissait était de toute beauté. Une femme ressemblant à une Vierge iridescente, archétype d'une Mère divine universelle, vêtue d'une longue robe et baignant dans une lumière dont il voyait les rayons s'élancer vers l'univers. Nulle bondieuserie dans cette vision, mais au contraire une énergie d'amour absolument bouleversante. Elle se mit à lui parler :

- Trop souvent, vous pensez que ceux qui meurent disparaissent à jamais. Non, nous nous transformons. Et, si vous le souhaitez, nous pouvons alors devenir dans vos vies des guides qui vous accompagnent. Oh, nous n'avons plus grand chose à voir avec les personnes que vous avez connues ! Cette puissante transhumance que nous avons vécu nous a métamorphosés, libérés des conditionnements de nos incarnations ! Oui, vous pouvez croire ou ne pas croire. Prendre ou ne pas prendre. A chacun sa réponse ! Dans votre expression « faire le deuil », vous pensez souvent que cela revient à ne plus souffrir, à ne plus être triste. Oui, vous pensez être libéré du deuil le jour où vous ne souffrez plus ! Mais un deuil c'est bien plus que cela ! C'est la possibilité de faire un grand nettoyage intérieur en se libérant, entre autre, de tous les ressentiments, les colères, les insatisfactions accumulées au fil des ans avec la personne partie. La mort est une grande initiatrice, elle nous permet de réaliser un grand travail de libération intérieure qui nous permet un nouvel envol.

Les mots étaient forts, l'image magnifique. Le Voyageur ne se sentait ni écrasé, ni objet d'une séduction déplacée. Il sentait que cette vision était là pour -sans aucune concession mais avec un amour infini- lui rappeler son absolue obligation d’être fidèle à ce qu'il était profondément et à réaliser ce pour quoi il était fait. Rien de confortable somme toute, mais une figure d’une beauté et d’une intensité bouleversante qu’il avait déjà rencontrée plusieurs fois. Oui, décidément se dit-il, celles et ceux qui nous quittent restent présents dans nos vies comme des lumières qui nous guident et nous enseignent, quand bien même se métamorphosent-ils en autre chose que ce qu’ils étaient au cours de leur incarnation...

La vision reprit la parole :

- Pour le travail intérieur que tu fais en ce moment -c'est difficile de perdre sa mère- tu as besoin d'être aidé et de trouver de la force. Alors, dans les jours qui viennent (rassures-toi, ce n'est pas pressé!) tu te mettras en quête d'une représentation de la Vierge. Oh, rien de prétentieux ou de lourd ! Juste un petit médaillon ou une petite statue et tu la transporteras avec toi partout où tu iras. Ainsi tu pourras te connecter à moi et cela te fera du bien de sentir cet amour-là !

Le Voyageur promit, puis ils se quittèrent, et lui reprit sa vie de tous les jours.
Jusqu'à ce soir là ( trois, quatre jours plus tard peut-être) où, rentrant d'une promenade avec sa compagne, il s'apprêtait à mettre la clé dans la serrure de sa maison. C'était un soir d'hiver sans lune, au froid piquant. Sa rue étant peu éclairée, il peinait toujours un peu à trouver la serrure. Machinalement et à tâtons il la cherchait donc, lorsque son regard fut attiré par une chose minuscule, sans doute posée par une main inconnue sur le rebord de la fenêtre la plus proche. Oui, la rue était sombre, mais sans qu’il ne sache vraiment comment, il sut immédiatement ce qu’était cet objet. Et non seulement il sut, mais il vit –alors que l’obscurité ne le lui permettait pas- ce qu’il représentait, un peu comme une vision qui s’imposait.

Le cœur battant, le Voyageur prit l’objet, comme sidéré, tout juste capable de marmonner bêtement quelque chose du genre : "Ah, ce n’est pas ça quand même ? Si c’est ça, alors là je n’y crois pas…" pendant qu’il entrait dans la maison et allumait la lumière. Et là bien sûr, il la vit…

Une petite médaille représentant la Vierge, perdue sans doute par quelqu’un et délicatement posée sur le rebord de sa fenêtre… Oh, pas une médaille d’or ou d’argent, non ! Juste une modeste médaille en fer blanc de quelques euros, à l’image d’ailleurs de ce qu’aimait sa mère qui, peu fortunée et aux goûts simples, préférait les bijoux de pacotille à l’or des bijouteries…

Comme une sorte de clin d’œil, de cadeau, de don, qui lui était fait et qui dans un deus-ex-machina mystérieux venait en quelque sorte faire résonner toute cette traversée de ces dernières semaines d’une manière bouleversante. Comme une mise en scène orchestrée par une présence mystérieuse et aimante…

Le Voyageur prit la médaille et sut alors au plus profond de lui que quelque chose respirait et conspirait pour son plus grand bonheur et qu’il lui revenait alors de s'abandonner à la confiance… 

Bien sûr, ne put-il s'empêcher de penser, peut-être s'agit-il d'un hasard ? Mais le hasard n’est-il pas qu’une des milliers d’histoires que l’on se raconte ? Une Marraine de Contes à laquelle le Voyageur était très attaché, lui avait dit un jour qu’une partie de notre travail consistait à ce que nous acceptions le fait que le merveilleux n’était pas exceptionnel en soi mais qu’il était somme toute quotidien, presque banal, tissé avec les jours qui passent et qu’il suffisait de savoir le voir. Parfois, il est juste caché par un voile et, mystérieusement, il semblerait que la présence de la mort, parfois, puisse le soulever…

Dans les jours qui suivirent il mit bien sûr la petite médaille à son cou, et dans son corps, et dans âme, il sentit alors la Vie recirculer plus vive que jamais. Neuve. Vive. Impétueuse.


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