lundi 17 juillet 2017

Nos vies comme des ailes d'oiseau emportées par le vent

Wynn Bullock - Child on a forest road


Parfois, je suis questionné sur la pertinence de partager en public des choses très personnelles. C’est une question qui m'oblige à m’interroger sur le pourquoi de cet élan-là. Et s’il m’arrive de douter, j’arrive en général à justifier ce qui pourrait être perçu comme de l’impudeur. Pour le texte qui suit, je sais pourquoi je l’ai écrit, et pourquoi je veux le partager. Parce que je sais avoir été sauvé par des témoignages de personnes (anonymes, amis, écrivains, artistes, pratiquants spirituels…) qui, chacun à sa façon, à des moments divers, m’ont dit :

- Voilà, la vie peut être autre. Elle peut être plus grande et plus belle que ce tu imagines. Et non, elle n’est pas obligatoirement un océan de larmes, et elle peut même être joie et magie !

Et c’est parce que j’ai suivi ce chemin-là, porté et chamboulé par ces témoignages, que je me sens l’élan de partager certaines choses, en espérant que leurs souffles suscitent les mêmes élans que ce qui m’a sauvé.
Je suis autrement en ce moment entre deux vies, entre un monde à quitter et à un autre à construire. Et pour l’heure, entouré de cartons. De cette accumulation de petites choses que j’appelle « mes biens » et qui un jour comme c’est d’usage seront dispersés à tout vent. Locataire… Il faudrait ne se déplacer qu’avec rien et j’en suis bien incapable. A quoi je tiens le plus ? A quelques statues de Bouddha, à mes guitares, à quelques livres, quelques photos et souvenirs, une vierge de cire sous un globe de verre, mes tambours, quelques objets… Peu de choses en vérité quand notre âme n’est pas loin de l’infini… Comme un jeu que l’on joue, comme une manière de se rassurer. Mais revenons à ce dont je voulais parler.
C’était hier 16 juillet le jour anniversaire de la naissance de mon père. Quatorze années (ou quinze, je ne sais plus et le papier qui me permettrait de le vérifier se trouve... dans les cartons !) qu’il est « devenu ciel » comme disent les mongols. Dire que notre relation et notre vécu commun furent difficiles est un euphémisme, et au-delà du chemin de pardon que j’ai pu faire, ce fut toute l’affaire de ma vie que de me construire à l’aune de ce brasier-là.
Je suis donc allé hier matin sur la Voie du tambour, mu par l’élan que je ne comprenais pas très bien d’aller explorer en ce jour particulier s’il n’y avait pas quelque chose encore à comprendre. De lui, de moi, de nous. Nous nous « rencontrâmes » (rencontre / âmes ?) donc. Il me parla d’amour lui qui en fut si peu démonstratif. Il est de toute évidence depuis passé à autre chose. Il me dit :
- Ne ressasse pas les erreurs que j’ai faites. Tu en es libre pour peu que tu le décides, comme tu es libre de moi dorénavant. Ne ravive pas les anciennes blessures inutiles. Libère t’en ! Le bonheur, il n’y a que cela : la joie et l’amour…
C’était dit sur un ton aimant et sincère et je l’en remerciais avec le sentiment d'une boucle enfin aboutie.
Dans la nuit qui suivit cette "rencontre", je fus réveillé par un rêve que je venais de faire. Je rêvais que j’allais voir mon père et sa femme dans une maison à la campagne que je ne lui connaissais pas. J’étais avec mon frère. L’atmosphère était paisible et lui-même et son couple sereins (ce qui fut loin d’être le cas de son vivant !). Nous nous sommes promenés dans un verger qui faisait partie de sa propriété. Il n’y avait pas encore de fruits, mais la récolte était prometteuse. Vint le temps des au-revoir. Je le sentais contrarié à l’idée de notre départ, d’autant que de toute évidence, la table étant mise, il nous espérait pour le repas. Il nous dit :
- Nous avons des cadeaux pour vous.
Ils commencèrent par offrir celui revenant à mon frère et dont ma mémoire onirique n’a malheureusement pas gardé la trace. Puis vint mon tour. Posé sur une coquille saint jacques vide, un cadeau joliment emballé était posé. Ils me le remirent en mes mains avec la coquille. Je posais le tout sur une table du jardin puis défis le paquet. A l’intérieur, il y avait un curieux étui à lunettes que j’ouvris pour découvrir, posées côté-à côte, deux plumes magnifiques dans les tons marrons et blancs, l’une… terminée par un mine de stylo, l’autre par un stylo plume !
C’était magnifique. Comme si mon père, par ce rêve et dans la continuité de cette (ultime ?) rencontre de la veille, me rendait et me présentait en une offrande simple un de mes pouvoirs qui est celui de l’écriture et du témoignage. Et puis deux plumes d’oiseau… Sur la Voie du tambour cela revêt pour moi un sens tellement particulier… Et le tout posé sur une coquille saint jacques, symbole de ceux qui se mettent en chemin… Là, par ce présent, et par la place que lui prenait en me l'offrant, il ré harmonisait notre lignée et notre histoire en un deus-ex-machina tout de tendresse et d’à-propos.
Ainsi sommes-nous tissés de l’étoffe de nos rêves. Ainsi les mondes entre eux communiquent. Ainsi, nos âmes peuvent-elles se reconstruire et les liens déchirés s’apaiser.
Au matin, très ému et méditant sur ce rêve si fort, une phrase m’est venue :
- Il faut remplacer les chaînes de nos liens par un simple fil d’or !

C’est ce que mon père et moi (et sa femme) avons fait hier en deux actes extraordinairement synchronisés. Merci à eux et aux tisserands qui veillent...

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